John Tshibangu, le parcours atypique d’un officier militaire

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Si l’histoire de l’armée congolaise peut être racontée, le général John Tshibangu a un parcours exceptionnel pour être mieux retracé.

Loin d’être produit de brassage et mixage comme les sont beaucoup d’officiers militaires issus des différentes rébellions que Joseph Kabila a nommés durant son mandat pour paralyser et dijoncter l’armée congolaise, le général John Tshibangu s’est enrôlé en 1988 à l’École de formation des officiers militaires (EFO) dont le siège est à Kananga.

Il a par la suite passé un concours de sélection et rejoint le Camp Kitona au Bas-Congo, actuel Kongo central. Ensuite, il sera envoyé en Israël pour une formation de Commando… Antiterroriste pendant une année, avant de revenir au pays au Centre d’entrainement des troupes aéroportées (CETA) pour une autre formation de para-commando et renseignements militaires.

Le Sous-lieutenant John Tshibangu est affecté aux Services d’Action et de Renseignements militaires (SARM) à Kinshasa et intègre par la suite la Division Spéciale Présidentielle (DSP). Devenu lieutenant, cet officier va participer aux différents séminaires sur le commandement de bataillons et de compagnies.

À l’avènement de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération (AFDL) en 1996 avec Mzee Laurent Désiré Kabila, il se trouve à Kinshasa. Les Forces armées zaïroises (FAZ) étaient désormais les Forces armées congolaises (FAC). Le lieutenant John Tshibangu est nommé Commandant du Régiment Kongolo I par le président Laurent-Désiré Kabila qui préfère travailler avec les jeunes officiers.

Il part à Mwene-Ditu, Kongolo, puis Uvira. C’est là qu’il est placé comme Commandant de Bataillon, basé à Baraka. En 1998, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) que venait de créer le Rwanda pour combattre le régime de L.D Kabila, fait face aux troupes loyalistes dirigées par le Commandant John Tshibangu. Trahi par Kalemie qui devait les ravitailler en munitions, John Tshibangu et ses compagnons d’armes, à bout de munitions, finissent par se rendre à l’ennemi qui les intègre dans l’armée du RCD-Goma.

N’ayant pas rompu le contact avec sa hiérarchie militaire à Kinshasa, John Tshibangu refuse d’être dompté par le RCC et alliés.Il prépare en toute discrétion une opération commando qu’il réussit: il infiltre avec un commando à bord d’un Antonov de la compagnie rwandaise CAGEL qui opérait un vol entre Goma – Kindu pour acheminer des militaires RCD et alliés au front, et le détourne.Il neutralise les passagers à bord et instruit l’équipage de mettre le cap sur Kinshasa, via Mbuji-Mayi. Malheureusement, l’appareil n’a pas assez de carburant.

Il atterrît en catastrophe à Sala-Mabila, au Maniema. Le commando John Tshibangu est arrêté, torturé et ramené à Goma où il est jugé et condamné à mort. Il est emprisonné au Rwanda, mais parvient à s’évader six mois plus tard. Il rentre à Goma et est de nouveau arrêté. Cette fois, il est déféré devant un tribunal siégeant en audience publique, dans la salle de la Banque de Développement des Pays de Grands-Lacs (BDGL).

Il est encore condamné à mort, et en attendant la sentence, il est incarcéré à la Prison centrale de Munzenze. John Tshibangu parvient une fois de plus à s’évader. Ne pouvant plus rester à Goma où il est recherché par les services du RCD-Goma et alliés, John Tshibangu connaît quelques semaines de vie clandestine dans cette ville avant de prendre contact avec des officiers amis d’un mouvement dissident du RCD-Goma, le RCD/KML dirigé par Mbusa Nyamwisi.

Ce dernier entretenait déjà des relations de collaboration avec le nouveau Gouvernement de Joseph Kabila à Kinshasa. Après l’installation du régime de transition dit « 1+4 », Tshibangu bénéficie de plusieurs affectations dans la partie orientale du pays avant d’être promu chef d’état-major de la 4ème région militaire à Kananga.

En août 2012, alors colonel, John Tshibangu fait défection des rangs des FARDC et revendique la vérité des urnes en faveur du feu Étienne Tshisekedi. Il crée l’APCCD (Armée du peuple congolais pour le changement et la démocratie). Il est aussitôt traqué durant plusieurs semaines par des éléments des forces spéciales des FARDC sans succès.

Un dossier judiciaire est ouvert à sa charge avec comme préventions, atteinte à la sûreté de l’Etat, participation à un mouvement insurrectionnel, rébellion et désertion. Arrêté en Tanzanie fin 2018 après avoir menacé, dans une vidéo, de chasser par les armes le président Kabila, John Tshibangu sera extradé à Kinshasa et gardé dans les locaux des renseignements militaires durant plusieurs mois. Il sera poursuivi par la justice militaire pour plusieurs chefs d’accusations dont la rébellion. Finalement, il ne sera reconnu coupable que de désertion et mise en liberté provisoire.

C’est cet homme décrit par ses proches comme un guerrier qui a désormais le commandement de la 21ème région militaire et a certainement retrouvé ses vieilles connaissances d’avant sa courte dissidence au Kasaï.

Aurélie-Samuela MUKENDI

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